Publié dans : Blog
Posté sur : 22 octobre 2024
Par un·e contributeur·trice anonyme
REMARQUE : Un langage inclusif a été utilisé tout au long du blogue pour protéger l'anonymat de l'auteur·e.
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En grandissant à Scarborough-Est, j’ai toujours ressenti un sentiment de communauté et d’appartenance, en particulier lors des fêtes religieuses. Vous vous souvenez de ces jours d’école où nous nous réunissions tou·te·s pour célébrer les fêtes des autres? Nous embrassions notre diversité avec des plats et des traditions festifs, ce qui nous rapprochait tout en relevant les défis de la vie au sein d’une communauté marginalisée. Mais tout a changé en septembre 2001, lorsque mon identité musulmane est devenue une cible plutôt qu’une source de fierté.
Le 11 septembre revêt pour moi une signification profonde et douloureuse. Ce n’est pas seulement la perte tragique de vies humaines qui m’a ébranlée, mais aussi la perte d’un sentiment de sécurité pour moi et ma famille. Du jour au lendemain, mon identité de musulman·e a commencé à s’estomper, ces précieux souvenirs ont été éclipsés par la peur et la confusion qui se sont installées après le 11 septembre.
Avant 2001, la vie n’était pas parfaite. Oui, le racisme et la discrimination religieuse existaient, mais ils étaient comme des ombres : toujours présents, mais jamais en premier plan. Mon expérience en tant qu’enfant né·e d’une mère et d’un père immigré·e·s au Canada n’est qu’un récit parmi d’autres dans le monde entier, car les musulman·e·s englobent une grande variété d’identités et d’héritages. Ma famille, comme beaucoup d’immigrant·e·s, voyait le Canada comme étant un endroit inclusif et chaleureux. Nous n’avions pas encore appris la sombre histoire du pays en tant que société coloniale, et nous n’avions pas anticipé le recul qui nous attendait.
Après le 11 septembre, l’islamophobie est devenue une réalité flagrante dans nos vies quotidiennes. Ma mère et mon père rentraient du travail en racontant que leurs collègues s’attendaient soudain à ce qu’il·elle parle au nom de personnes qui n’avaient rien à voir avec nous, notre identité ou notre foi. Les liens qui avaient mis des années à se tisser au travail étaient désormais mis à rude épreuve, voire rompus, à mesure que les sentiments antimusulman·e·s se renforçaient.
Je n’avais que neuf ans, trop jeune pour comprendre le poids de ce qui se passait, mais assez âgé·e pour ressentir le basculement. Cette nouvelle réalité m’a semblé si normale que je n’ai reconnu l’islamophobie que plusieurs années plus tard. La façon dont les gens nous regardaient a changé, tout comme la façon dont je me voyais moi-même.
Qu’est-ce que l’islamophobie au juste? Comme le définit la stratégie canadienne de lutte contre le racisme, l’islamophobie se traduit par le racisme, les stéréotypes, les préjugés, la peur ou les actes hostiles à l’égard des musulman·e·s. L’islamophobie va au-delà des actes individuels d’intolérance; il s’agit d’un problème systémique qui fait injustement des musulman·e·s une menace pour la sécurité aux niveaux institutionnel et sociétal. Ce qu’on oublie souvent, c’est que l’islamophobie ne touche pas seulement les musulman·e·s. Mon amie d’enfance, une chrétienne, a souvent essuyé les mêmes insultes haineuses que moi parce que nous étions tout·e·s deux « originaires de ces pays terroristes ».
Des années après le 11 septembre, lorsque je suis entré·e sur le marché du travail, l’islamophobie avait pris une nouvelle forme, plus sournoise. Mes collègues me demandaient si le dernier film montrant la capture d’un terroriste dans ce qui semblait être l’Afghanistan était une représentation juste de « mon peuple ». Ces tropes orientalistes, ancrés dans la culture populaire, m’ont conditionné à cacher mon identité musulmane. J’ai cessé de me préoccuper de ma foi; je voulais simplement qu’elle disparaisse. La peur d’être isolé·e ou même attaqué·e pour mes croyances m’a empêché·e de m’identifier ouvertement comme musulman·e.
L’islamophobie a plusieurs visages et se manifeste d’une manière qui pourrait faire l’objet de cinq autres articles de blogue. Pour le moment, je vais seulement aborder quelques exemples, certains dont j’ai été témoin auprès de proches.
Les effets de l’islamophobie sont profonds, surtout lorsqu’ils s’entrecroisent avec d’autres identités. Pour les femmes visiblement musulmanes, les enjeux peuvent être encore plus importants. L’islamophobie sexiste peut conduire à des attaques violentes, comme le retrait de force d’un hijab, et à d’horribles crimes haineux qui ont coûté la vie à des personnes innocentes. Au-delà de la violence physique, la pression de l’islamophobie peut contraindre certaines femmes musulmanes à envisager de retirer leur hijab pour améliorer leurs perspectives d’emploi.
L’interdiction du port du hijab dans le sport français a récemment été portée sur la scène internationale lorsque des athlètes musulmanes françaises portant le hijab se sont vu refuser le droit de compétitionner et de représenter la France aux Jeux olympiques et paralympiques. Chez nous, nous constatons l’impact dévastateur de la loi 21 du Québec sur les femmes musulmanes et les autres minorités religieuses. Ces lois sous-entendent que le choix de porter un hijab n’est pas un choix personnel ou spirituel, mais plutôt un choix politique. Il s’agit là d’une véritable atteinte aux droits de la personne qui contribue à la peur, au traumatisme, à l’indignité et à la discrimination auxquels est confronté un groupe déjà marginalisé.
J’ai finalement atteint un point où j’ai dû affronter les questions difficiles que j’avais évitées pendant des années. Cela m’a permis de me réconcilier avec mon·ma jeune moi et de me débarrasser de l’ignorance que je portais en moi depuis si longtemps. Au cours de mes recherches l’année dernière, je suis tombé·e sur le livre de Jasmine Zine, Under Siege: Islamophobia and the 9/11 Generation, qui a en partie inspiré cet article de blogue. Pour la première fois, j’ai pleinement compris le fardeau que je portais depuis 2001. Et j’ai réalisé que je n’étais pas seul·e.
Nous ne pouvons pas et n’allons pas normaliser le traumatisme et la douleur infligés par l’islamophobie dans nos communautés et à travers le monde.
Alors, comment lutter contre la haine et la déshumanisation des musulman·e·s dans nos communautés? Comment s’attaquer aux problèmes systémiques qui perpétuent l’islamophobie et le racisme antimusulman·e? Voici quelques mesures que nous pouvons prendre :
Enfin, je tiens à souligner la forte montée de la haine envers les communautés musulmanes, juives, arabes et palestiniennes depuis le 7 octobre 2023. Mais il est important de reconnaître que ces formes de haine et de racisme existaient bien avant cette date. Comme je l’ai dit, l’islamophobie est un aspect omniprésent de ma vie depuis l’enfance. À l’heure actuelle, la communauté musulmane est confrontée à la douleur et à la peur alors que des vies innocentes continuent d’être perdues en Palestine et qu’elles sont visées ici même, chez nous.
Nous avons tou·te·s un rôle à jouer dans la construction d’une société plus inclusive et plus compréhensive. Cela commence par l’introspection et mène à l’action. N’attendons pas qu’une autre tragédie nous rappelle notre humanité commune.
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Références/liens de blogs (cliquez ici pour consulter les sources)
https://sencanada.ca/fr/info-page/parl-44-1/ridr-islamophobie/.
https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2024/07/france-hijab-bans-olympic-and-paralympic/
https://www.mqup.ca/under-siege-products-9780228011187.php
Ressources supplémentaires
Ressources liées à la lutte contre l’islamophobie
https://www.canada.ca/fr/patrimoine-canadien/campagnes/lutte-contre-islamophobie-canada/ressources.html
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