Voici pourquoi nous devons discuter urgemment du racisme anti-asiatique aujourd’hui

Publié dans : Blog
Posté sur : 3 mai 2021

Anne-Marie Pham, Directrice exécutive

Depuis le début de la pandémie de COVID-19 il y a plus d’un an, les personnes asiatiques ont fait face à une croissance de peur, de haine, de soupçons et d’agressions physiques. Les récentes fusillades à Atlanta ont mené au meurtre de huit personnes, dont six étaient des femmes asiatiques.

Cela est dû en grande partie à une racialisation du virus de la COVID-19, à la croyance qu’il est apparu chez les Asiatiques et qu’il est propagé par des personnes d’origine asiatique vivant au Canada. Selon le Conseil national des Canadiens chinois (CCNC), la plupart des personnes touchées par ces actions racistes sont originaires d’Asie de l’Est et représentent 84 % des crimes signalés.[1]

Cela a eu des répercussions énormes sur le bien-être mental des Canadiens et Canadiennes d’origine asiatique, qui ont exprimé se sentir, maintenant, physiquement et psychologiquement en danger.

Selon le CCNC et le rapport du Projet 1907, le Canada a un nombre plus élevé de signalements relatifs au racisme anti-asiatique par habitant que les États-Unis. La Colombie-Britannique (C.-B.) a le plus grand nombre d’incidents signalés par habitant de toutes les régions infranationales d’Amérique du Nord, suivie par la Californie, New York et l’Ontario.

Le CCNC a constaté que la moitié des Canadien.ne.s chinois.es interrogé.e.s disent qu’ils ont été traités de tous les noms ou insultés depuis que la pandémie a été déclarée. Les abus et les attaques se sont étendus à d’autres groupes ethnoculturels, dont on pense à tort qu’ils ont des traits physiques similaires, notamment les Coréen.ne.s, les Japonais.es, les Vietnamien.ne.s, les Philippin.ne.s, etc. 

Les femmes et les personnes âgées ont été les plus profondément touchées. Juste à Vancouver, les attaques sur des femmes représentaient plus de 70 % des incidents signalés.

Mis à part la violence physique, les attaques verbales et les comportements abusifs, notamment tousser et cracher sur des Canadien.ne.s d’origine asiatique en public, les Asiatiques sont également confronté.e.s à des microagressions, à un manque d’occasions en milieu de travail et sont exclus des promotions en milieu de travail.

 

Fait : Les Canadien.ne.s d’origine asiatique sont un groupe ethnoculturel en pleine croissance au Canada.

  • Parmi les pays du G8, le Canada compte la plus forte proportion de personnes nées à l’étranger (20,6 % en 2016) et les trois principales sources d’immigration au Canada aujourd’hui proviennent toutes d’Asie : la Chine, l’Inde et les Philippines.
  • Les Canadien.ne.s d’origine asiatique sont la « minorité visible » la plus importante au Canada et représentent quinze pour cent de la population. (https://www.immigroup.com/news/where-do-asians-live-canada)
  • Il existe un besoin urgent de déterminer comment préparer la société et les milieux de travail canadiens à cette croissance bénéfique et inexorable.

 

Stratégies

Stratégie 1 : Découvrir l’histoire du racisme anti-asiatique au Canada.

Il existe une longue histoire de racisme et de discrimination contre les Canadien.ne.s d’origine asiatique. Vous trouverez ci-dessous deux des marqueurs historiques les plus importants. Apprenez-en davantage sur le racisme anti-asiatique historique et sur les événements racistes au Canada, à l’aide de cette trousse à outils du CCDI : (hhttps://www.ccdi.ca/media/2341/20200821-trousse-un-bref-historique-des-relations-raciales-au-canada.pdf)

Taxe d’entrée imposée aux immigrant.e.s chinois.es (1885)

Le Canada a adopté la Loi de l’immigration chinoise en 1885, qui comprenait une taxe d’entrée de 50 $ sur presque tous les immigrant.e.s chinois.es. Elle a ensuite été augmentée à 100 $ puis à 500$. Cette loi a imposé un énorme fardeau financier aux immigrant.e.s chinois.es et a été la première loi officielle au Canada à contrecarrer l’immigration fondée sur l’origine ethnique. Lorsque la taxe a été retirée de la Loi de l’immigration chinoise en 1923, la discrimination s’est poursuivie avec l’interdiction de l’immigration chinoise jusqu’en 1947. Le gouvernement canadien a tiré profit de cette pratique, recueillant 23 millions de dollars en diverses taxes d’entrée, au cours d’une période de 38 ans.

L’internement japonais (1942)

À partir de 1942, les citoyen.ne.s canadien.ne.s d’origine japonaise ont été déplacé.e.s de force de leurs foyers sur la côte ouest et interné.e.s dans des régions éloignées de l’Est de la Colombie-Britannique et ailleurs. Le gouvernement canadien a saisi et vendu leurs biens, pour ensuite les forcer à une déportation massive après la fin de la guerre. En tout, 22 000 Canadien.ne.s d’origine japonaise (65 % étaient nés au Canada) ont été éjecté.e.s de leurs foyers. Ces restrictions de temps de guerre ont été maintenues jusqu’en avril 1949. En 1988, le gouvernement fédéral s’est excusé et a offert une compensation pour l’internement. En 2013, la ville de Vancouver a présenté des excuses officielles.

 

Stratégie 2 : Comprendre les répercussions psychologiques sur les personnes asiatiques

Aujourd’hui, le racisme à l’égard des Canadien.ne.s d’origine asiatique se manifeste par des microagressions et des inégalités quotidiennes, souvent enracinées dans des mythes et des stéréotypes au sujet des personnes asiatiques. Au-delà du voile de la conscience, la personne raciste peut ne pas savoir qu’elle agit de la sorte, tout comme la personne visée peut ne pas réaliser qu’elle fait face à un comportement raciste. Il est donc important d’être conscient de certaines des microagressions suivantes que les personnes asiatiques subissent quotidiennement :

  • Être généralement perçues comme bénignes, insignifiantes et sans importance
  • Être prises pour des femmes de ménage, des assistantes ou des gardiennes d’enfants
  • Être considérées comme un objet : les femmes asiatiques étant traditionnellement considérées comme dociles, soumises, calmes et gentilles, comme des « poupées chinoises ». Cela entraîne un manque de respect envers les femmes asiatiques et peut induire de la violence verbale et un traitement négatif en milieu de travail
  • Être perçues comme dociles, travailleuses et stoïques : des qualités qui ne sont généralement pas associées à celles d’une personne capable de diriger, créant ainsi un « plafond de bambou » artificiel qui entrave l’avancement des travailleurs asiatiques possédant des compétences
  • Être ridiculisées et taquinées, sans que l’on ne s’attende à ce qu’elles réagissent ou qu’elles se plaignent. Les réactions, lorsqu’elles se produisent, sont souvent perçues comme agressives, grossières et impolies (des traits qui contredisent le stéréotype de « minorité modèle »).

La signification de minorité modèle : Cela sous-entend que les Asiatiques sont généralement très intelligents, financièrement prospères, exceptionnels sur le plan scolaire, disciplinés, respectueux des lois et ascendants sur le plan socio-économique. Les Asiatiques sont également jugés à tort comme étant « bons à tout ». Le mythe de la minorité modèle peut être utilisé afin de monter les Asiatiques contre d’autres groupes minoritaires.  Si les Asiatiques peuvent le faire, alors pourquoi les Noirs, les Autochtones, les autres immigrants, etc. ne peuvent-ils pas le faire? Les Asiatiques continuent d’être utilisés comme boucs émissaires pour minimiser le racisme qui sévit au Canada. 

Les Asiatiques qui internalisent cette croyance peuvent développer un état d’esprit de fausse supériorité. Ils peuvent croire qu’ils sont « adjacents à la race blanche », avec une plus grande proximité sociale à la population blanche majoritaire et que, par implication et association, ils sont d’autant plus capables d’atteindre un statut et des privilèges plus importants.

Il est également important de démanteler le mythe de la minorité modèle, parce que les Asiatiques (comme d’autres groupes raciaux minoritaires) ne sont pas un monolithe.  Ce ne sont pas tous les groupes asiatiques qui réussissent ou qui sont bien nantis sur le plan économique. La vaste diaspora asiatique présente une grande diversité socio-économique et de développement social.           

 

Stratégie 3 : Éduquer le milieu de travail

Décortiquez ces trois mythes dangereux avec les employés afin qu’ils puissent mieux comprendre l’expérience vécue des personnes asiatiques. Encouragez des conversations sécuritaires et d'encouragements autour des mythes énumérés ci-dessous et centrées sur les voix et les expériences des employé.e.s asiatiques. S’ils souhaitent participer, assurez-vous de créer l’espace, le temps et les ressources pour qu’ils puissent le faire.

  1. Minorité modèle : Le mythe selon lequel les personnes asiatiques sont le groupe minoritaire parfait : elles travaillent fort, s’assimilent et ne se plaignent jamais. Cela provoque des divisions et des malentendus.
  2. Le péril jaune : Historiquement, les personnes asiatiques sont perçues comme un danger existentiel pour le monde occidental, ce qui suscite la peur chez les gens. Cela signifie qu’elles sont considérées comme sous-humains et particulièrement dangereuses si leurs pouvoirs ne sont pas confinés.
  3. L’étranger perpétuel : Cela affecte les personnes asiatiques et d’autres groupes minoritaires visibles : la croyance selon laquelle ces groupes ne peuvent jamais être assimilés à la culture globale. Cette présomption mène à des questions telles que « D’où venez-vous? » et des énoncés comme « Vous parlez si bien le français ». Lorsqu’un.e employé.e issu.e d’une minorité parle dans un environnement à dominante blanche, la présomption automatique pourrait être que cette personne n’est pas à sa place, qu’elle n’est pas « conforme » ou qu’elle est « hors de l’ordinaire ».

 

Stratégie 4 : Passer en revue les politiques et les pratiques

  • Examinez les politiques et les stratégies au travail pour soutenir le personnel racialisé. Consultez les employé.e.s concerné.e.s lors de l’examen de ces politiques et stratégies.
  • Collaborez avec des spécialistes en la matière pour faciliter le dialogue et acquérir des compétences permettant aux leaders d’être plus inclusifs et antiracistes. Développez la responsabilisation au niveau de la direction.
  • Créez des initiatives qui traitent du racisme anti-asiatique et établissez des partenariats avec des organisations qui travaillent dans ce domaine.
  • Offrez des espaces sécuritaires pour des discussions libres sur des questions inconfortables sur le racisme et la discrimination.
  • Créez des ressources pour signaler et enquêter les incidents de racisme. Assurez-vous que les individus peuvent signaler sans crainte de représailles.
  • Créez des ressources supplémentaires pour sensibiliser les gens au racisme anti-asiatique et à ce que les personnes peuvent faire (voir les ressources ci-dessous organisées par le CCDI).

 

Ressources du CCDI - Sensibilisation/Statistiques :

  • Combattre le racisme de la Covid-19: Un site canadien qui recense et cartographie les incidents de racisme, de discrimination et de harcèlement anti-asiatique. Le site offre, à ceux qui vivent ces actes, l’occasion de partager leurs histoires et fournit également un certain nombre de ressources d’autres organisations pour soutenir les communautés asiatiques.
  • Stop AAPI Hate (arrêter la haine envers les envers les Asio-Américains et les Américains originaires des îles de l'océan Pacifique) : Une organisation basée aux États-Unis. Leur site contient des conseils de sécurité pour les spectateurs afin de soutenir ceux qui sont victimes d’actes de racisme.
  • Conseil national des Canadiens chinois – Pour la justice sociale : Un groupe d’éducation et de défense des droits pour les communautés canadiennes chinoises au Canada. Leurs campagnes « Stop the Spread of Racism (arrêter la propagation du racisme) » et #FaceRace sont nées de la pandémie de Covid-19. Le groupe a également publié une infographie sur le racisme anti-asiatique lié à la COVID-19 au Canada.
  • Project1907: Une organisation lancée par des femmes asiatiques afin de fournir un espace pour comprendre les nuances des expériences intersectionnelles et de créer un collectif et une solidarité pour les personnes victimes de racisme. Elle recense les signalements sur le racisme à l’aide de rapports communautaires et dispose d’infographies sur la façon de réagir au racisme anti-asiatique ainsi que les tendances en matière de racisme anti-asiatique en lien avec la COVID-19 au Canada. Un visuel sur les types de crimes haineux à l’encontre des Asiatiques a également été créé à partir de leurs statistiques.
  • ACT2EndRacism (Canadiens asiatiques ensemble pour mettre fin au racisme): Une organisation formée au Canada par une coalition de groupes communautaires asiatiques et d’individus à travers le Canada préoccupés par les crimes haineux à l’encontre des Asiatiques. Elle fournit, en plusieurs langues, des informations sur la manière de signaler un cas et des liens vers des ressources communautaires. Elle dispose également d’une surveillance médiatique pour les articles sur les crimes haineux à l’encontre des Asiatiques et fournit de l’éducation et des ressources à la communauté. 
  • Elimin8hate: Fournit des signalements anonymes et sécuritaires pour les Canadiens d’origine asiatique vivant des attaques à motivation raciale et fournit des ressources publiques pour ceux touchés par le racisme anti-asiatique à travers l’Amérique du Nord.
  • Cold Tea Collective : une plateforme médiatique en ligne qui est axée sur le partage d’histoires et d’expériences de la génération Y asiatique en Amérique du Nord. Basée à Vancouver, en Colombie-Britannique, avec des rédacteurs à travers l’Amérique du Nord. Un billet y a été publié sur le soutien en santé mentale pour la communauté asiatique-canadienne, qui comprend un certain nombre de ressources et de liens pour les Canadiens d’origine asiatique, y compris ceux qui offrent des services de soutien en santé mentale dans différentes langues.
  • Asian Mental Health Collective (collectif Asiatique pour la santé mentale): une plateforme nord-américaine axée sur le soutien de la santé mentale au sein des communautés asiatiques. Leur site comprend un répertoire de thérapeutes canadiens d’origine asiatique pour ceux à la recherche d’un soutien.
  • Statistique Canada : Expérience de la discrimination pendant la pandémie de COVID-19: Fournit un aperçu des données provenant de sources multiples et relatives aux expériences de discrimination pendant la pandémie. Inclut également un aperçu des expériences de discrimination par race et genre, afin de fournir une image instantanée de la gravité accrue de ces cas.

 

[1]  Conseil national des Canadiens chinois, chapitre de Toronto (2021)  https://mcusercontent.com/9fbfd2cf7b2a8256f770fc35c/files/35c9daca-3fd4-46f4-a883-c09b8c12bbca/covidracism_final_report.pdf

 

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